mercredi 15 octobre 2014

Avenir de la ruralité : Lettre ouverte de Yannick FAVENNEC au Premier ministre

Monsieur le Premier ministre,
  
Les territoires ruraux sont une force pour la France et leur poids économique constitue un enjeu majeur pour le redressement de notre pays.

Le retour à la croissance et à l’emploi, l’innovation et le dynamisme viendront des territoires, de nos terroirs, de cette France rurale qui regorge de talents et de richesses.

Les assises de la ruralité : une fausse bonne nouvelle!

Il y a un peu plus d’un mois, votre ministre fraîchement nommée, en charge des territoires ruraux, annonçait l’organisation des Assises nationales de la ruralité, en octobre et novembre de cette année.

Nous sommes à la mi-octobre et à ce jour, à part quelques généralités, nous n’avons aucune précision sur les modalités de ces assises.

Outre le fait qu’il a fallu deux ans et demi pour qu’enfin un ministre s’occupe des plus de 60% de Français qui vivent en zone rurale ou semi rurale - alors que la France est l’un des seuls pays européens à avoir vu la population de ses campagnes croître ces cinq dernières années - ces assises sont en réalité une fausse bonne nouvelle pour nos territoires.

D’une part, parce que les dernières assises de ce type ont eu lieu il y a moins de cinq ans et que l’état des lieux fait à l’époque est toujours d’actualité.

D’autre part, parce qu’à l’heure de l’indispensable rationalisation des dépenses publiques, il s’agit là d’une dépense coûteuse et inutile.

La ruralité : une réponse adaptée aux enjeux de notre société

Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, l’heure n’est plus au blabla, mais à l’action et aux résultats.

Qu’il s’agisse des domaines agricoles, économiques, budgétaires, éducatifs, associatifs, du développement de nos infrastructures et des services, nous savons où se trouvent les potentiels, les savoir-faire, les attentes, les espoirs, mais aussi les difficultés relayées par un fort sentiment de découragement et dexaspération qui monte chez nos concitoyens.

Plus que jamais, la ruralité apparaît comme une réponse adaptée aux nombreux défis alimentaires, mais aussi sanitaires et économiques que notre société doit relever.

Avec elle, le monde agricole, soucieux de respecter notre environnement, d’œuvrer pour l’avenir et d’assurer l’indépendance alimentaire de notre pays est un atout sur lequel nous devons nous appuyer. Alors qu’il est le seul aujourd’hui à gager un excédent commercial, la France doit tout faire pour le préserver, l’accompagner, l’encourager. Pourtant, en dépit de cette évidence, votre gouvernement baisse continuellement le budget de l’agriculture et ne fait rien en faveur de la compétitivité du monde agricole.

Avoir une politique efficace en faveur de la ruralité

Mais, monsieur le Premier ministre, pour aider nos agriculteurs comme l’ensemble des forces vives de nos territoires, il vous faudrait gouverner plus efficacement : arrêter de multiplier les obstacles à l’emploi ; permettre aux initiatives de voir le jour en simplifiant les règles, faire enfin confiance aux acteurs de terrain.

Allégez, notamment, concrètement  et rapidement le stock des normes estimé à 400 000. Votre dernière circulaire incitant les ministres et les préfets « à privilégier systématiquement une interprétation facilitatrice du droit » n’est pas suffisante.

Agissez pour mettre fin à lhystérie normative et réglementaire ! Acceptez de ne plus légiférer, comme bon nombre de gouvernements, par opportunisme électoral, mais par nécessité et dans le cadre de réformes globales pragmatiques et respectueuses de la cohérence juridique.

Miser sur les forces vives de la ruralité

Donnez à nos talents locaux les moyens de progresser et de s’épanouir en leur offrant l’opportunité de se regrouper dans des pépinières d’entreprises, de rejoindre des structures semblables aux pôles de compétitivité qui existaient auparavant.

Encouragez l’innovation et les compétences en soutenant les projets à la manière des pôles d’excellence rurale qui ont permis, sous l’ancienne législature, de créer des emplois et d’améliorer les services à la population.

Misez sur nos forces vives, nos agriculteurs, nos commerçants, nos artisans, tous nos entrepreneurs. À titre d’exemples, soutenez le commerce de proximité dans nos petites communes rurales, en leur redonnant de l’oxygène grâce aux fonds Fisac dont vous avez fait fondre les crédits de 64 millions d’euros en 2010, à 32 millions d’euros en 2013 et à ro euro en 2014.

D’une manière générale, rassurez  le monde de l’entreprise en réformant le marché et le code du travail, en abaissant les charges et en stabilisant la fiscalité.

Votre réforme des professions réglementées, telle que vous l’envisagez aujourd’hui pour les pharmaciens et les notaires, par l'ouverture de leur capital et par la liberté d’installation, va transformer nos territoires en déserts juridiques et sanitaires !

L'illusion de l'action

Monsieur le Premier ministre, la diminution drastique des dotations de l’Etat va atrophier nos territoires. Un département comme le mien, la Mayenne, va perdre 40 millions d’euros entre 2014 et 2017. Aussi, lorsque votre ministre chargée de la décentralisation, vient en personne nous annoncer une réduction des dotations du futur contrat de projets Etat / Région, les acteurs des territoires ruraux grondent, s’indignent, s’inquiètent pour l’emploi et pour la réalisation d’infrastructures comme nos routes.

Et que dire de votre réforme territoriale qui va accoucher d’une usine à gaz incompréhensible, d’un monstre à deux têtes pour nos départements ruraux, d’une complexité juridique et bureaucratique supplémentaire, là où nos élus locaux réclament de la proximité, de la simplicité, et de la clarté pour davantage d’efficacité.

Monsieur le Premier ministre, si vous ne réagissez pas rapidement, nous allons vers une aggravation de la fracture sociale et territoriale dans notre pays et vos assises de la ruralité, si elles ont lieu, ne seront qu’une nouvelle illustration de votre art de la non décision, tout en  donnant  l’illusion de l’action !