C’est le jeudi 20 novembre dernier
que la commission d’enquête parlementaire sur « les difficultés du monde
associatif en période de crise » a remis son rapport au président de l’Assemblée
nationale, Claude Bartolone.
J’ai eu l’immense honneur d’être désigné
vice-président de cette commission présidée par Alain Bocquet, député communiste
de Paris, et composée de trente députés toutes tendances confondues.
Cette commission d’enquête a été
constituée en juin dernier, alors que l’engagement associatif a été choisi
comme Grande cause nationale en 2014 et que les problèmes et les obstacles ne
cessent de s’accumuler et de peser sur le tissu associatif, au point d’affaiblir
l’efficacité
de son action au bénéfice de nos concitoyens ; de compromettre sa contribution à la vitalité de l’économie et à l’emploi ; de menacer
l’avenir le plus immédiat de nombre d’associations.
La place des associations dans la
vie économique et sociale de notre pays est importante et essentielle. Il
suffit pour s’en convaincre de regarder les chiffres.
En France, il y a environ
1,3 million d’associations, 16 millions de bénévoles pour un
budget total de 85 milliards d’euros
(3,2% de PIB).
La masse salariale au sein des associations est de 37 milliards d’euros pour 1,8
million d’emplois. Elles comptent pour 10 % du total des emplois du secteur
privé.
La création de notre commission avait
donc pour objectif d’identifier les moyens permettant de conserver et conforter
cette situation.
Pour cela, il a fallu prendre en compte les difficultés du
monde associatif en cette période où l’accélération des changements
économiques, culturels et sociaux se traduit par une perte de repères et une
désaffection d’une partie de nos concitoyens pour les institutions démocratiques.
Il était également important de faire le point sur les interrogations, les
préoccupations et les attentes des associations face à la crise.
Nous avons donc auditionné 180
personnes au cours de nos six mois d’enquête en cherchant à donner la parole
aux associations, dans toutes leurs diversités de tailles, d’activités, de
natures.
Il ressort de tous ces échanges que le
monde associatif se trouve dans une situation de réelle inquiétude, sur ses
financements, sur ses relations avec les pouvoirs publics, sur son avenir dans
le cadre de la réforme territoriale, sur le renouvellement de ses effectifs de
membres, de dirigeants, de bénévoles ; que le monde associatif a besoin de
réponses et a surtout besoin d’une vraie reconnaissance, renouvelée, forte, de
sa place centrale et essentielle dans notre République.
Ces six mois ont permis de pointer
des difficultés nouvelles ou récurrentes : tension accrue sur les finances
associatives avec les désengagements progressifs multiformes de l’Etat et la baisse du soutien des
collectivités fragilisées dans leurs ressources ; nouvelles règles européennes et
poids de la concurrence avec le secteur privé lucratif ; difficultés posées par la suppression de la clause de compétence
générale des collectivités locales et flou de la réforme territoriale ; fiscalité récente problématique ; poids des normes et des contraintes
administratives ; vieillissement des responsables associatifs et renouvellement compliqué.
De nos auditions, de ces constats,
notre commission a élaboré 55 propositions.
Parmi les
plus stratégiques :
- Simplifier et alléger les normes administratives. Par exemple, création d’un numéro d’identité unique pour les associations après rapprochement des répertoires SIRENE et RNA ou, encore, mise en place d’un dossier unique de demande de subvention qu'elle que soit l’institution ou la collectivité ;
- Rebâtir un dialogue de qualité entre les associations et les pouvoirs publics, et pour cela, parler le même langage. Par exemple, intégrer à la formation des fonctionnaires d’Etat et territoriaux des modules d’immersion dans la vie associative afin qu’ils s’imprègnent mutuellement de leurs codes et se comprennent mieux.
- Sécuriser les financements. Par exemple, permettre aux associations de dégager des excédents de trésoreries et ainsi de constituer des fonds propres. Cela constituerait une actualisation utile de la loi de 1901 sans la dénaturer, ou encore constituer un fonds de garantie adossé à la Caisse de dépôts et consignations pour éviter les lourds agios payés au secteur bancaire en raison des délais de versements des subventions publiques.
- Développer l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Par exemple, moderniser l’accès à la générosité du public, toujours forte, en l’adaptant aux outils numériques, grâce par exemple à la promotion du don par SMS.
- Revitaliser et pérenniser l’engagement bénévole à tous les niveaux, et notamment, en direction des jeunes. Par exemple , créer un congés d’engagement d’une durée de 12 jours par an pour les responsables d’associations d’intérêt général pour attirer les actifs trop peu représentés dans le bénévolat et assouplir le dispositif de pré-majorité associative pour inciter les jeunes, mineurs, à s’engager dans la vie associative et y prendre des responsabilités.
Cette liste est bien entendu
non-exhaustive.
Le travail de notre commission aura permis
de vérifier le bien-fondé de la loi de 1901 qui autorise la libre création
d’associations.
Un droit qui, à ce jour, n’est pas reconnu par tous les États.
Cette loi n’a pas besoin d’être réformée, car elle reste profondément moderne et cette modernité
nous l’avons en permanence ressentie tout au long de nos travaux.
Nous devons
simplement la faire vivre avec nos idées et nos besoins actuels pour continuer
de développer et faire rayonner cette formidable ressource et richesse humaine
que constitue le monde bénévole qui assure le lien social sur nos territoires
et l’animation de nos villes, de nos quartiers et de nos villages.
Yannick FAVENNEC.