J’avais 16 ans. Je
vivais chez ma grand-mère à Saint-Nazaire. Je me souviens. C’était
hier...
J’étais interne en
classe de seconde. Le mardi soir, je
rentrais chez ma grand-mère pour couper la semaine. C’était le jour sacré de l'émission
« Les Dossiers de l’écran »
que nous regardions comme beaucoup de Français, même si la musique du générique
était quelque peu stridente et effrayante.
Je ne me souviens
pas du nom du film diffusé ce soir du 2 avril 1974. Je ne me rappelle que d’une
chose : vers 22 h des lettres blanches sont apparues en incrustation en bas de
notre écran de télévision en noir et blanc : « Le président de la République Georges Pompidou est mort ».
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Annonce du décès de Georges Pompidou par Philippe Harrouard lors d'un flash interrompant le film des "Dossiers de l'écran", à 22h15. |
Avec ma grand-mère
nous ne nous sommes pas parlé durant quelques minutes, interloqués par ce que
nous venions de lire. Nous aimions beaucoup Georges Pompidou. Il avait quelque
chose de vrai et de rassurant.
Je ne savais pas qu’en
cet instant ma vie allait basculer, et que s’ouvrait ainsi le livre de ma
destinée.
GISCARD : LE CHOIX
DE LA JEUNESSE ET DE LA MODERNITÉ
C’est en effet à ce
moment-là que ma vie d’adolescent sage allait être bouleversée par mon engagement
dans la vie politique avec l’ouverture de la campagne présidentielle de 1974.
Après avoir hésité entre
Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing, c’est pour ce dernier que je
me suis engagé. Le projet de « nouvelle société » de Chaban était séduisant,
mais le personnage qui se voulait moderne et décontracté me paraissait au final
peu crédible et un peu suranné.
Pour moi, la modernité et la jeunesse, c’était Giscard qui
les incarnaient.
A 48 ans, il voulait « regarder la France
au fond des yeux », et je crois qu’en effet notre pays avait besoin de ce
regard en profondeur et novateur, après des années de gaullisme historique et
triomphant.
Son projet, celui d’une
« Démocratie française »
consensuelle, affranchie des dogmatismes, libérale par la structure pluraliste
de tous ses pouvoirs, avancée par un haut degré de performance économique, d’unification
sociale et de développement culturel, avait
un objectif : rassembler « deux Français sur trois ».
Valéry Giscard d’Estaing
(VGE) s’inscrivait, ainsi, dans les pas des jeunes manifestants du joli mois de
mai 1968, et dans ceux de Chaban et de sa « nouvelle société » inspirée
par Jacques Delors.
C’est là que
commencèrent mes années de militantisme. D’abord au sein du Mouvement
des Jeunes Giscardiens présidé par un certain... Jean-Pierre Raffarin et
dont le secrétaire général s’appelait... Dominique Bussereau... Puis, au Parti
républicain, composante giscardienne de l’Union pour la démocratie française
(UDF) voulue et créée par VGE pour
rassembler ses partisans.
GISCARD À LA BARRE
19 mai 1974 ... « De ce jour date une ère nouvelle de
la politique française, celle du rajeunissement et du changement de la France ».
C’est par ces mots prononcés lors de sa prise de fonction que Valéry Giscard d’Estaing donna le coup d’envoi de
sept années qui transformèrent la France.
Majorité à 18 ans ; législation
sur l’interruption volontaire de grossesse ; libéralisation de l’information et
de la télévision avec l’éclatement de l’ORTF ; divorce par consentement mutuel ; ouverture
de la vie politique aux femmes ; réforme du Conseil constitutionnel avec la
saisine rendue possible par les parlementaires ; création des questions d’actualité
au Parlement ; développement de l’énergie nucléaire civile ; lancement du Système
monétaire européen (ancêtre de l’Euro) ; élection au suffrage universel du maire
de Paris et des parlementaires européens ; lancement de la révolution
informatique ; instauration du collège
unique ; mise en place du G 5 ; suppression des écoutes téléphoniques ; accélération
du projet TGV, etc ...
Giscard, « à la
barre », détricote avec fraîcheur et enthousiasme la vieille cotte de
mailles d’une société française alors un peu figée, engoncée et conservatrice.
Il apporte la démonstration
que la Gauche « n’a pas le monopole du cœur ».
Jamais, par exemple,
le minimum vieillesse, n’a autant augmenté, les personnes handicapées n’ont été
prises autant en considération avec la loi sur le handicap de 1975. C’est VGE
qui a étendu la Sécurité sociale à tous les Français; c'est grâce à lui qu'entre 1975 et 1980, le
rapport entre le salaire net moyen des cadres supérieurs et celui des ouvriers
s’est resserré, passant de 3,84 à 3,56.
Même si deux
chocs pétroliers sont venus ralentir et ternir cette volonté réformatrice, en
faisant exploser le chômage, n'oublions pas, qu’à l’époque, notre croissance flirtait encore avec les 3 %
et que la dette publique ne dépassera pas les 15% tout au long du septennat
...un rêve aujourd’hui !
GISCARD : LE BON
CHOIX POUR LA FRANCE
19 mai 1974 / 19
mai 2014 : 40 ans ont passé. Mais, j’ai toujours
la même conviction : Giscard était « le
bon choix pour la France ».
Son septennat restera celui de la libéralisation
de la société française et de la modernisation de la politique de notre pays.
Il a fait passer la V ème République du noir et blanc à la couleur.
Si les Français ne
l’ont pas forcément aimé, ils l’ont respecté et je rappelle qu’à la fin de son mandat, sa côte de popularité culminait encore à plus
de 50 % d’opinions favorables !!! Et en 2014, 61 % des Français déclarent avoir une bonne opinion de lui.
De plus, un récent sondage
le place même, chez les électeurs de droite, au 3ème rang des meilleurs présidents de la Vème République,
juste derrière Charles de Gaulle et Nicolas Sarkozy.
Loin de moi en ce
19 mai 2014, l’idée de me noyer dans la nostalgie et la mélancolie d’une époque.
Quoique ... quand je vois le président de la République actuel ...
Non, je veux
simplement me souvenir qu’il y a 40 ans, j’avais 16 ans et j'entrais en politique derrière un jeune candidat qui avait tout compris des soubresauts "d'une société en pleine évolution".
Aujourd’hui, à près
de 56 ans, fidèle à mes convictions, à mes
valeurs et à mes idées de centre droit qui m’ont conduit à être député de la
Nation depuis 2002, j’ai une pensée affectueuse, respectueuse et heureuse pour
un homme d’État de 88 ans, dont l'intelligence et le brio me rendent fier d’être encore, 40 ans après, « UN GISCARDIEN ».
J’aurai l’occasion,
le 7 septembre prochain, lors de ma traditionnelle rentrée politique à La Baroche-Gondouin,
et avec mes amis du nord-Mayenne, d’exprimer à nouveau cette fierté et de célébrer
ce double quarantième anniversaire (l’élection de Valéry Giscard d’Estaing
comme président de la République française, et mon entrée en politique).
Yannick FAVENNEC.