Le projet de loi relatif à la prévention
de la récidive et à l’individualisation des peines a été l’occasion de mettre
en exergue les vieilles querelles qui
opposent de façon caricaturale, et depuis de nombreuses années, ceux qui
seraient les partisans du tout carcéral et ceux qui, au contraire, défendraient
le laxisme et l’impunité.
Ces clivages autour de la suppression des peines plancher, de la contrainte
pénale ou de la libération sous contrainte ont finalement éludé, pendant les
débats parlementaires, les vraies questions, celles qui auraient mérité de
recueillir toute notre attention.
Nous avons des principes en commun et nous partageons heureusement certains
objectifs : nous devons protéger les victimes et la société dans son
ensemble, nous devons à tout prix prévenir et lutter contre la récidive, nous
devons aussi – et cela participe de la prévention de la récidive – assurer aux
détenus un meilleur suivi et ainsi éviter les sorties sèches.
Quelques mesures de ce projet de loi vont dans ce sens : je pense à la
mise en place d’une contribution pour l’aide aux victimes, je pense à la
garantie de l’existence, au sein des tribunaux, de bureaux d’exécution des
peines, je pense encore au renforcement des missions du service public
pénitentiaire dans le suivi et le contrôle des personnes condamnées.
Au-delà de ces trop rares motifs de satisfaction, le projet de loi n’est pas à
la hauteur des enjeux.
Le postulat sur lequel il repose – la prison nourrirait la récidive – va à
l’encontre de notre conception de la justice en France.
N’oublions pas que l’emprisonnement, s’il vient sanctionner le coupable,
témoigne aussi de l’échec de nos politiques de prévention.
N’oublions pas non
plus qu’il ne servira à rien de durcir les sanctions et de remplir les prisons
si les peines ne sont pas appliquées et si les places sont insuffisantes.
Pour le groupe UDI auquel j’appartiens, l’effectivité de l’exécution des peines
est la condition sine qua non de l’amélioration de notre justice pénale.
En dépendent la crédibilité de notre système pénal et la confiance que chacun
de nos concitoyens place en la justice de son pays.
Ce projet de loi affirme une volonté de traiter du problème de la récidive sous
l’angle de la surpopulation carcérale au lieu de prévoir pour les récidivistes
une peine qui ne soit pas semblable à celle des primodélinquants mais adaptée à
leur profil, avec la fermeté qui s’impose.
Nous avons souligné au cours des débats, à l’Assemblée nationale, les lacunes
que comportent les mesures proposées pour renforcer l’efficacité des sanctions
pénales et les peines créées.
Concernant l’ajournement de la peine, par exemple, l’un des amendements
présentés par le groupe UDI a permis d’allonger le débat entre la décision sur
l’ajournement et la décision sur la peine mais nous craignons qu’en dépit de
cette amélioration, la procédure ne soit que très peu utilisée.
L’extension de la contrainte pénale à tous les délits punis d’emprisonnement
est non seulement dangereuse mais risque en outre de complexifier encore le
droit de la peine.
Et comment ne pas douter de l’efficacité de ces mesures alors que la justice
manque de moyens et que les créations de postes annoncées dans les services
pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, seront à coup sûr
insuffisantes ?
Au final, qu’aurons-nous une fois ce texte adopté ?
Une loi qui s’ajoutera
au cortège des nombreuses autres lois portant sur l’organisation de notre système
judiciaire et pénal, une loi qui aborde la question fondamentale de la justice
sous le seul angle de la procédure, une loi qui, de ce fait, ne permettra pas
d’enrayer les défaillances de notre système judiciaire et participera
malheureusement à son essoufflement.
L’enjeu, désormais, c’est de repenser, à l’extérieur comme à l’intérieur du
palais de justice, l’ensemble de la chaîne de compétences de l’institution
judiciaire.
Celle-ci doit être profondément réformée et, pour cela, nous devons
proposer de mettre tous les acteurs et intervenants du monde judiciaire autour
de la table pour un véritable "Vendôme de la justice".
Yannick FAVENNEC.